Les médias dans l'ère « de la politique post-vérité »
« Est-ce que la vérité compte encore ? »
Katharine Viner, rédactrice en chef du Guardian, a longuement pensé à cette question, et à celles qui en découlent, pendant les semaines qui ont suivi le vote sur le « Brexit », la débâcle de la classe politique britannique et le rôle qu'ont eu les médias dans la diffusion et le décryptage d'informations pendant la campagne.
« Quand un fait commence à ressembler à ce que vous pensez être vrai, c'est très difficile pour quiconque de faire la différence entre les faits qui sont vrais et les "faits" qui ne le sont pas. »
« Il s'agissait d'avoir une approche médiatique sur le mode américain. Très tôt, ils ont dit : "Les faits, ça ne fonctionne pas", et voilà. Le camp du "Remain" ne pensait qu'aux faits, aux faits, aux faits, aux faits, aux faits. Ca ne fonctionne tout simplement pas. Vous devez vous connecter émotionnellement avec les électeurs. C'est le succès de Trump. »
« De plus en plus, ce qui passe pour des faits n'est qu'un point de vue de quelqu'un qui pense que c'est vrai – et la technologie a permis à ces "faits" de circuler facilement. »
« La révolution numérique a fait que les journalistes doivent rendre plus de comptes aux lecteurs – ce qui est une bonne chose (…) Mais si les développements numériques de ces dernières années ont donné de nouvelles possibilités au journalisme, notre "business model" est très menacé, parce que peu importe le nombre de clics que vous avez, ça ne sera jamais assez (…) En chassant le clic facile au détriment de l'exactitude et la véracité, les médias sapent les raisons mêmes de leurs existences. »
« Face à cette démocratie post-factuelle, la presse est désarmée : que faire, lorsque son lectorat croira plus facilement une information militante, mais partagée par une personne de confiance, que la vérification détaillée effectuée par un média qu'on soupçonne en permanence de toutes les manipulations ?
Comment informer dans ce maelström où tout un chacun est devenu média, puisqu'il peut, lui aussi, partager et diffuser les informations qu'il souhaite ? Comment opposer de la complexité à des visions manichéennes et simplistes du monde ? Et comment faire, par son bulletin de vote, des choix essentiels pour tout un pays lorsque l'on n'est pas informé correctement des conséquences ? »
« On peut, et nous le faisons chaque jour, expliquer, vérifier, préciser, démentir les rumeurs. Encore faut-il que ces analyses soient lues et relayées auprès du plus grand nombre, ce qui n'est pas toujours le cas. On doit, on devra, à l'avenir, éduquer aux médias, à l'information, pour mieux armer les citoyens contre la manipulation d'où qu'elle provienne. »
JTK
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