La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) veut faire de l'éducation au numérique une "grande cause nationale" en 2014, a annoncé sa présidente Isabelle Falque-Pierrotin, mardi 1er octobre. Le but est de démystifier les outils numériques pour que chaque Français puisse se les approprier, peu importe son niveau de départ. Pour cela, l'autorité française de protection de la vie privée s'est entourée de 42 organisations, syndicats et institutions, ainsi que de personnalités. et formule cinq propositions, censées être présentées au premier ministre en novembre prochain.
La commission – en pleine bataille pour la vie privée sur Internet
en Europeet
contre Google – avait déjà affiché ses ambitions lors
de son bilan annuel, en avril.
"Nous considérons que ne rien faire face à la question du numérique serait mettre chacun d'entre nous dans une situation extrêmement difficile", affirme Isabelle Falque-Pierrotin, pour qui le sujet est actuellement trop confidentiel.
"Le premier niveau de la régulation est la prévention, et nous ne pouvons absolument pas agir seuls. Il y a une responsabilité partagée entre acteurs publics et privés", rappelle la commission. La liste des organisations s'est étendue, des trente contactées au départ par la CNIL (
"associations de parents d'élèves, dedéfense des droits des enfants, des organisations professionnelles, des institutions...") aux 42 actuelles, deux mois plus tard.
FÉDÉRER LES CONTENUS SUR LE NUMÉRIQUE
Des mots de la présidente de la CNIL, il s'agit d'
"une mise à niveau collective"pour
lutter contre le retard français en matière de numérique, centrée sur l'idée d'en
profiter, et non de le
subir. Soit
passer d'une posture passive à active.
"Peu d'entre nous comprennent cet univers, qui reste encore une boîte noire", affirme la CNIL.
Pour cela, cinq propositions censées toucher tous les Français sont formulées.
La première idée du collectif est un
"évènement d'envergure nationale sur l'éducation au numérique" censé
mettre en lumière l'initiative.
"Si on veut réussir à mobiliser 100 % des Français, même si ce n'est pas l'idée la plus innovante, [il faut] une grande journée de mobilisation, une étincelle. Enormément de choses existent, mais des petites initiatives dans leur coin", difficiles à
voir pour les personnes à
sensibiliser au numérique, explique
Guillaume Buffet, président du think tank Renaissance numérique.
La deuxième est une plateforme en ligne, censée agréger les contenus libres et gratuits liés à l'éducation au numérique.
"Il y a du contenu pédagogique à destination des jeunes, des parents, des entreprises, qui permettent d'avoir cette culture générale du numérique, qui existe ici et là" et qu'il faut fédérer, explique la CNIL.
"On peut imaginer un MOOC [cours massif en ligne, ouvert à tous], des glossaires animés, d'entrer par différents profils... Il y a 1 000 manières de scénariser ces contenus", estime la présidente de la commission.
"On pense toujours à 'protéger et
guider les enfants'
. Ici, c'est apprendre aux enfants à s'autoprotéger et s'autoguider, ce qui est un message fort à envoyer aux parents et aux éducateurs. Plus que ça, c'est leur apprendre à imaginer et à renouveler le monde", ambitionne le docteur en
psychologie Serge Tisseron, qui apporte son soutien au collectif.
"L'idée est de préparer les enfants à Internet, à toutes les possibilités et à tous les dangers, dès l'âge de six ans", ajoute le psychiatre.
TÉLÉSPECTATEURS, ENFANTS ET ENTREPRISES
Le troisième volet implique lui France Télévisions, dans la réalisation de
"formats courts" pour la télévision et Internet, de l'éducatif à la fiction.
"France Télévisions doit être l'un des médias qui parlent le plus quotidiennement aux Français", estime Eric Scherer, directeur de la prospective du groupe public, qui veut
"faire aimer le numérique".
"Ce n'est pas uniquement en parler, mais aider à s'en servir. On pense aussi à une websérie plus humoristisque sur la société numérique, des MOOC, des hackatons [marathons de développement informatique], soit imaginer'par le code'
la télévision de demain", présente le groupe public qui ne promet pas
"de solution ou de programme clé en main".
L'un des principaux enjeux, l'éducation des plus jeunes, est couvert par le quatrième volet : des
modules d'éducation destinés aux enfants de six à douze ans. Ceux-ci doivent s'intégrer au
"continuum de la journée de l'enfant : à l'école, dans sa famille, dans d'autres activités...", explique Sylvie Fromentelle, vice-présidente de Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE)
. "Nous voulons créer des modules qui permettent une sensibilisation mais aussi que les enfants deviennent des citoyens avertis et avisés du numérique", explique la représentante de parents d'élèves. Pour cela, le collectif compte s'
appuyer sur les établissements publics et les associations locales et d'éducation populaire.
L'objet de la cinquième proposition, centrée sur les entreprises, reste lui encore vague.
"La situation n'est pas si différente entre les jeunes enfants et les entreprises", estime Guillaume Buffet, de Renaissance numérique, pour qui l'éducation des entrepreneurs est encore à
accomplir.
"Les décideurs sont moins sensibles au numérique que le reste de la population, c'est le meilleur moyen d'aller droit dans le mur. Un tiers des entreprises françaises n'y sont pas encore passées. Je ne veux pas attendre que les 'vieux' soient partis pour intégrer le numérique à l'entreprise", explique-t-il. Contrairement aux clichés,
"les cadres supérieurs sont sous-représentés dans l'usage du numérique", ajoute le responsable du think tank comprenant
Google et
Microsoft.
A
partir de ces annonces,
cinq groupes de travail se mettront en place autour de ces propositions, qui seront amenées à être suivies d'autres. L'ambitieux programme est censé s'
adresser à tous, en s'appuyant majoritairement sur des actions publiques. Pourtant, à un mois de leur remise à Matignon, ces cinq propositions
"de départ" tiennent bien plus de l'engagement de principe que du concret, en comptant beaucoup sur les initiatives existantes, qu'il faudra
rassembler, tout en stimulant l'initiative privée, semble-t-il encore timide.
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