Mosaique de la chapelle Redemptoris Mater ,par Marko Rupnik sj

Mosaique de la chapelle Redemptoris Mater ,par Marko Rupnik sj
Mosaique de la Chapelle Redemptoris Mater ,par Marko Rupnik sj

La tâche prophétique de l'agent de communication chrétien

« L'agent de communication chrétien en particulier a une tâche prophétique, une vocation: dénoncer les faux dieux et les fausses idoles d'aujourd'hui — matérialisme, hédonisme, consumérisme, nationalisme étroit, etc. ... — proclamant à tous un ensemble de vérités morales fondées sur la dignité et les droits humains, l'option préférentielle pour les pauvres, la destination universelle des biens, l'amour des ennemis et le respect inconditionnel de toute forme de vie humaine, de la conception à la mort naturelle; et la recherche de la réalisation la plus parfaite du Royaume dans ce monde, tout en demeurant conscient que, à la fin des temps, Jésus restaurera toutes choses et les retournera au Père » (cf. 1 Co 15,24)." {

{L'ethique dans les moyens de communication sociale", Mgr John Folley Vatican 2000}

dimanche 27 novembre 2011

La liberte de l'information selon UCIP

Introduction
Les médias ont commencé à jouer un rôle dans la vie de la société dès le dix-huitième siècle quand la liberté d'opinion et de presse a été reconnue. Cette liberté a connu ensuite un intérêt croissant au cours du dix-neuvième siècle, et elle a été inscrite comme un principe fondamental dans les Constitutions des Etats modernes; cela a été également le cas au vingtième siècle, quand un certain nombre de nouveaux Etats se sont déclaré indépendants.
Ces déclarations nationales ont été confirmées après la dernière guerre par des déclarations internationales.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, proclamée en 1948 par l'Assemblée Générale des Nations Unies reconnaît cette liberté dans son article 19, et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales s'exprime de la même façon en 1950 dans son article 10. Ces articles comportent pour le signataire une obligation juridique.
Le Concile Vatican II parlait de cette liberté quand il soulignait dans l'article 5 du Décret "Inter Mirifica" le droit a l'information, ce qui a été ensuite développé et élaboré dans l'Instruction pastorale "Communio et Progressio" en 1971 dans plusieurs articles (13, 33, 34, 44, 86, 87 et 116).
L'intérêt pour la liberté de l'information a pris de plus en plus d'importance dans les pays en développement, lorsqu'on s'est progressivement rendu compte que l'émancipation politique, économique, sociale et culturelle était essentiellement liée au développement des médias, avec la libération et la liberté dans le domaine de l'information. Tout cela est souligné dans l'article 92 de "Communio et Progressio", comme d'ailleurs dans le rapport McBride de l'UNESCO. Et lors de congrès Mondiaux de l'Organisation (Vienne 1977, Rome 1980) cette cohérence a été également relevée.
Les événements en Europe centrale et Europe de l'Est ont à leur tour mis en évidence la liberté de l'information. Des publications clandestines paraissent maintenant publiquement et expriment les idées, les désirs, les opinions des peuples opprimés. Elles mettent en valeur la relation essentielle entre la liberté de l'information et entre les droits correspondants.
Et quand nous lisons les bulletins de l'Institut International de Presse (Londres), les publications de CPJ Update (Committee to Protect Journalists, New York), les éditions de "Article 19", organisation internationale pour défendre la liberté d'opinion et d'expression (Londres), les statistiques publiées par l'Observatoire Français de l'Information (Association de défense de la liberté de l'Information, Montpellier), les communications de "Reporter sans frontières", organisation pour la défense de la liberté de presse (Paris), et bien d'autres, nous sommes stupéfaits et touchés par le nombre de journalistes tués et emprisonnés dans autant de pays, à cause de convictions professionnelles qu'ils ne pouvaient exprimer en toute liberté.
Il y a en outre dans différents pays des situations où des pouvoirs économiques et financiers ont une telle influence sur les médias, à la suite de concentrations exagérées, que ces dernières deviennent une menace ou un danger pour la liberté de l'information.
L'Organisation mondiale a aujourd'hui des raisons impérieuses d'attirer l'attention sur le problème de la liberté de l'information. D'abord, parce qu'il est d'une grande actualité et le restera dans les années à venir si l'on veut construire une communauté humaine plus libre. Ensuite, parce qu'il revient aux journalistes catholiques, nourris aux sources d'une loi vivante, d'apporter pour leur part, aux hommes et aux femmes de la communication des éléments de reflexion sur leurs responsabilités d'informateurs.


Les thèses
1. La liberté de l'information est un aspect de la liberté de l'homme, doué d'intelligence et vivant en communauté. Cette intelligence comporte la possibilité de choisir, non pas d'une façon arbitraire, mais en responsabilité, d'après l'évaluation de sa conscience. La liberté est essentiellement liée à la responsabilité. Et il y a des valeurs primordiales, comme la vérité, la justice, la solidarité qui doivent être respectées dans les relations entre les hommes.
Cet homme est une personne, créée par Dieu à son image, appelée à réaliser en liberté sa vie, sa mission personnelle et sociale dans un monde qui soit toujours plus digne de la créature humaine. Le message évangélique est pour le chrétien le fondement sur lequel s'appuie l'orientation de ses actes.
2. Dans le monde actuel, les médias jouent de plus en plus un rôle primordial. Nous vivons dans une société de communication, et le progrès permanent dans le domaine de la technique et de l'électronique a créé un monde médiatique qui est encore difficile à maîtriser. D'autre part, l'homme lui-même devient de plus en plus conscient de ses droits et veut d'autant plus être informé et avoir accès à des connaissances.
3. La liberté de l'information est la réponse au désir et au droit d'être informé. L'homme a besoin d'une information honnête, cohérente, complète et précise pour comprendre le monde et les événements qu'il découvre, pour s'adapter aux circonstances changeantes de chaque jour, pour jouer un rôle actif et responsable dans son milieu, pour prendre part à la vie économique, politique, sociale, culturelle et religieuse de son temps. C'est pourquoi, il est nécessaire qu'il trouve les moyens suffisants à sa disposition pour faire un choix libre, selon ses besoins personnels et sociaux. Sinon, son droit à l'information n'est pas assuré (Communio et Progressio 34).
4. Cette liberté de l'information n'est pas arbitraire. Elle ne doit pas être soumise à l'idéologie. Comme mentionnée dans "Inter Mirifica", il faut tenir compte du contenu de l'information et de l'effet qu'elle peut avoir sur le public (4). Il faut respecter les droits de l'homme et la dignité humaine (5). L'homme a droit à son honneur personnel, au respect de sa vie privée. Il faut se garder de présenter des scènes de violence et de pornographie, surtout dans les médias destinés aux enfants, en portant attention au langage de l'image qui peut agresser encore plus qu'un texte violent.
5. La liberté de l'information est essentiellement liée à la responsabilité. Elle est une application de la liberté de conscience. La responsabilité est l'expression la plus authentique de la liberté. Cette liberté n'est donc pas une fin en soi, ni le critère suprême d'appréciation, ni la justification de toutes les méthodes, mais tout d'abord la condition normale d'une information vraie. On peut en faire bon ou mauvais usage (E. Gabel; Communio et Progressio 13). Une liberté illimitée et absolue mène au chaos. Une liberté soi-disant dirigée mène à la servitude. Une liberté responsable, respectant l'homme dans toutes ses dimensions, se réfère à des valeurs concernant la personne et la société (cf. Inter Mirifica 5).
6. Il y a une alliance réciproque entre la liberté, la vérité et la sincérité. La liberté est une nécessité pour saisir aussi complètement que possible toute la vérité d'un fait. Les informations recueillies doivent
être publiées en toute sincérité, et rectifiées en cas d'erreur. Le droit de réponse doit être reconnu et respecté. De cette façon les médias remplissent leur fonction sociale. Le public met sa confiance dans les médias, sachant que l'objectivité absolue n'existe pas, mais que la véracité subjective résulte d'une investigation compétente et honnête. Il considère les médias comme son oreille et son œil prolongés.
7. Une information libre est indispensable pour la formation d'une saine et authentique opinion publique. L'absence de celle-ci est un vice, une infirmité, une maladie de la vie sociale (Pie XII, Message au 3e congrès mondial). L'opinion publique est une conséquence de la nature sociale de l'homme. La libre expression de ses idées est la contribution nécessaire à la réalisation de l'opinion publique (Inter Mirifica 8; Communion et Progressio 24-28). Par cette liberté, l'information libre exerce aussi dans la société la fonction indispensable de critique et de contrôle.
8. L'État doit en premier lieu promouvoir et protéger la liberté des citoyens et garantir la liberté de l'information ainsi que le droit d'être informé (Communio et Progressio 86 et 87). De cette façon s'engage un dialogue et s'exprime une diversité d'opinions, une confrontation d'idées qui contribuent à une véritable communication à laquelle le public doit être associé. Car "communiquer c'est donner et recevoir" (Communio et Progressio). De cette manière, la communication entre les hommes apparaît comme le finalité prolonge de l'information. Le pluralisme d'opinion et la communication sont des éléments fondamentaux d'une véritable démocratie.
9. Non seulement le pouvoir politique, mais aussi la pression économique et idéologique peuvent rendre difficile ou impossible l'exercice de la liberté de l'information (Communio et Progressio 87). Des concentrations trop grandes ou des monopoles dans le domaine des médias signifient une menace ou une domination. Des manipulations par des pouvoirs économiques et financiers, comme d'ailleurs des pouvoirs politiques, sont inacceptables. L'information n'est pas en premier lieu une marchandise, ni un moyen de propagande quelconque, mais un bien social au profit de la personne et de la société. La responsabilité du pouvoir politique est engagée dans la garantie du pluralisme de la presse. Il appartient à la collectivité nationale à travers l'État ou des instances ad hoc, de créer les conditions juridiques et économiques de nature à compenser les inégalités, nées du jeu brutal des seules lois du marché.
10. Le développement économique, social, politique et culturel est essentiellement lié au développement des médias et à une information suffisante (Inter Mirifica 92). C'est d'une importance primordiale pour les pays en développement, comme pour les pays qui se sont libérés ces derniers temps d'un système autoritaire. La liberté de l'information est un élément essentiel pour la participation de tous les citoyens à l'émancipation entière et au progrès authentique de la société.
11. Malgré la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui proclame la liberté d'opinion, il y a encore, chaque année des journalistes assassinés, emprisonnés et torturés à cause de cette liberté. Maintes fois, des journalistes catholiques sont persécutés parce qu'ils défendent avec conviction la vérité. Ces manifestations de violence doivent être condamnées parce qu'elles veulent établir par toutes sortes des pressions une information dirigée et mutilée; elle représentent un attentat aux droits fondamentaux de l'homme. Nous restons convaincus que c'est la vérité qui libérera l'homme.
12. La liberté de l'information implique aussi que les conditions nécessaires soient réalisées pour que la liberté de religion puisse s'exprimer dans les médias (Communio et Progressio 87). Ce droit est d'ailleurs proclamé dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme; et le Concile Vatican II l'a souligné dans le Décret Inter Mirifica 3.
Mais l'instruction pastorale Communio et Progressio proclame aussi la nécessité d'une opinion publique dans l'Église, et la nécessité pour ses membres d'avoir conscience de la liberté fondée sur le sens de la foi ("sensus fidei") et de l'amour. Cette liberté implique la liberté de l'information; elle doit aussi s'exercer dans le dialogue avec ceux qui n'appartiennent pas à l'Église. L'autorité responsable doit prendre soin de faciliter un échange d'opinions légitimes par une liberté de pensée et de parole. L'Église a besoin de la réaction des contemporains, catholiques ou non, concernant les événements ou la vie des idées (Communio et Progressio 115, 116 et 122).
L'instruction pastorale fait une distinction claire et nette entre les vérités de la foi et l'Église comme partie de l'histoire humaine. L'instruction ajoute que c'est presque un terrain illimité pour un dialogue dans l'Église (117). Cette liberté signifie que le journaliste catholique doit, en informant prendre sa responsabilité en connaissance de cause et en conscience dans le but de construire et non de vouloir détruire. Faire écho aux diverses opinions dans le peuple chrétien est une façon normale d'informer aujourd'hui, en tenant compte du "sens de l'Église". C'est un engagement personnel du journaliste dans son domaine propre. (E. Gabel)
Et dans la Constitution sur l'Église, le chapitre IV qui traite des laïcs, dit "que tous les laïcs doivent faire connaître à leur pasteurs leurs besoins et leurs désirs, avec la liberté et la confiance qui reviennent aux fils de Dieu et aux frères dans le Christ. A la mesure de la science, de la compétence et de l'autorité qu'ils possèdent, ils ont le droit, parfois même le devoir d'exprimer leur opinion sur ce qui regarde le bien de l'Église" (37). C'est l'explication des idées de Pie XII qui disait que le journaliste catholique comme tous les fidèles doit se garder tout autant d'une servile muette que d'une critique sans contrôle. Dans tout ce domaine la confiance réciproque doit jouer un rôle prépondérant. Dans cet esprit la presse catholique peut exercer ses fonctions de prophétisme, ce contestation et de critique prudente, avec un amour authentique de l'Église. (E. Gabel)
Conclusion
Nous vivions dans une période exceptionnelle de l'histoire de la liberté, et l'information y joue un rôle primordial. Le journaliste apporte au grand public les événements et les courants d'idées de chaque jour, qui deviennent de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la liberté de l'information s'intensifie. Vis-à-vis de la personne et de la société, il porte une lourde responsabilité et le journaliste catholique doit d'autant plus en être conscient en tant que membre de la société humaine et de l'Église. La liberté de l'information, en toute vérité et sincérité, est un droit universel, inviolable et inaliénable, un droit naturel (cf. l'encyclique Pacem in Terris). Elle est un bien précieux et un facteur de progrès pour l'homme. Cette bataille de la liberté ne connaît pas de fin (E. Mounier, Œuvres complètes II, page 483). Elle réclame des inventeurs autant que des défenseurs, pour construire un monde d'hommes libres (Cardinal R. Etchégaray, "L'Évangile aux couleurs de la vie", page 207).
16 mai 1990, Baar, Suisse

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