La crise que doit affronter la presse écrite – et la presse catholique en particulier – lui impose une « ardente obligation » de renouvellement de ses contenus, de ses compétences tant rédactionnelles que commerciales, et de ses publics, souvent d'âge mûr. C'est l'appel qu'a lancé le journaliste René Poujol, en ouverture des Journées d'études François de Sales tenues les jeudi 24 et vendredi 25 janvier à Annecy (Haute-Savoie).
Quelque 200 journalistes, chercheurs, éditeurs, patrons de presse ou commerciaux, à l'invitation de la Fédération française de la presse catholique (FFPC), ont cherché durant ces deux jours des réponses à ces défis, à l'heure où la concurrence du numérique fait craindre pour l'avenir de l'écrit.
En effet, selon le Baromètre 2013 de confiance dans les médias réalisé par l'institut de sondage TNS Sofres pour La Croix, si l'intérêt des Français pour l'information ne se dément pas, ces derniers utilisent de plus en plus Internet pour s'informer, même en profondeur. Cependant, une majorité d'entre eux pensent que la sévère crise économique et financière que traverse actuellement la presse écrite représente « un risque grave pour la démocratie ».
« Les Français broient du noir »
Malgré cette situation difficile, René Poujol, coordonnateur du programme de ces journées d'études, se dit persuadé qu'un lectorat potentiel plus large existe, « qu'il nous appartient de rejoindre, de convaincre et de fidéliser ». Il s'agit en effet de tout mettre en œuvre pour pérenniser les titres de la presse catholique dans le contexte d'une société sécularisée.
À l'heure du multimédia, les organisateurs avaient également offert une tribune aux responsables des quatre grands médias audiovisuels chrétiens en France : Le Jour du Seigneur, la télévision catholique KTO, RCF et Radio Notre-Dame.
Dans sa conférence sur les « tendances lourdes » de la société française, Brice Teinturier a décrit un contexte marqué par une tendance au pessimisme bien plus marquée que dans des pays pourtant davantage touchés par la crise. Directeur général délégué de l'institut de sondage Ipsos, il a dressé un tableau plutôt sombre de la France contemporaine : peur de l'avenir, du déclassement social, des nouvelles pauvretés, ascenseur social en panne, ressentiment contre les autorités, qui ont perdu leur légitimité faute de résultats face à une crise structurelle, crise des élites, méfiance à l'égard des autres, crispation identitaire, peur de l'étranger, populisme, xénophobie…
« Les Français broient du noir et le pays est de plus en plus fracturé depuis la dernière élection présidentielle », relève-t-il. Ce pessimisme n'est plus seulement le fait des classes populaires, mais a atteint les couches supérieures de la société.
Mettre l'accent sur ce qui différencie des autres médias
Pourtant, insiste-t-il, la France reste l'un des pays les plus riches et les plus développés du monde, les ménages français ont un très important patrimoine et une forte épargne ! Si Brice Teinturier estime que les médias donnent trop souvent l'image d'une société « fatiguée d'elle-même », voire dépressive, il voit cependant émerger dans l'ensemble de la population de nouveaux développements plus positifs. Il remarque notamment un esprit de « résilience », une capacité de se relever, des stratégies pour se maintenir à flot, la recherche de bonnes affaires et le troc, les solutions familiales qui se développent, même s'il ne s'agit pas là, à proprement parler, de solidarités sociales.
Il note également une plus grande attention aux valeurs religieuses, même si l'Église apparaît souvent coupée des réalités sociales. De plus, les individus veulent de plus en plus s'affranchir des institutions et prennent leurs distances avec les corps constitués. Brice Teinturier estime que la presse catholique a un rôle à jouer dans une telle situation, bien qu'il soit plus difficile aujourd'hui de faire passer des valeurs.
Bernard Petitjean, directeur associé de l'agence d'études et de conseils Seprem, croit lui aussi que la presse catholique a encore la possibilité de trouver sa place sur le marché, pourvu qu'elle mette l'accent sur ce qui la différencie des autres médias. Elle doit créer de la valeur ajoutée, affirmer son identité, « ne pas proposer de l'eau tiède ! ». Pour garder ses parts de marché, elle doit jouer sur la différence et ne pas tenter de faire comme les autres avec moins de moyens.
Envoyé de mon iPad jtk
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